La voie de l\'excellence / Français Second Cycle

La voie de l\'excellence / Français Second Cycle

Une lecture de Vol de nuit d'Antoine de Saint-Exupery

Temps et espace dans  vol de nuit, d’Antoine de saint exupéry

Présenté par : Ben Moustapha DIEDHIOU, Professeur de Français– Relais Pédagogique au Lycée de Bambey

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction 

Dans Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupery, la problématique de l’espace et du temps occupe une place très importante. Le titre du roman par sa composition pose de façon claire et nette les termes de notre exposé car qui dit “vol“ sous entend “espace“ et qui dit “nuit“ sous entend “temps“. Comment expliquer cette relation de l’espace et du temps, ou du moins la prépondérance de la spatio-temporalité dans le roman de Saint-Exupéry ?

Il nous faut revenir à un petit résumé de la situation qui se pose dans ce roman. C’est celle-ci :

Poussé par le goût de l’action, de l’orgueil et partant d’un humanisme, Rivière, le chef du courrier, pour des raisons liées à la préciosité du temps, instaure les vols de nuit et cherche à réussir coûte que sol, car dit-il : « C’est pour nous une question de vie ou de mort puisque nous perdons chaque nuit l’avance gagnée pendant le jour sur les chemins de fer et les navires. »  Il sera confronté aux intempéries (cyclone), aux femmes des pilotes et à certains personnages saboteurs ou indifférents. Sa motivation est qu’il veut faire progresser l’humanité, et dépasser certaines limites pour rendre les hommes éternels. Ainsi, notre exposé présentera l’œuvre suivant deux critères :

1- le critère spatial c’est-à-dire l’espace où se déroulent les événements.

2- le critère temporel c’est-à-dire la succession des événements dans le temps.

 

I - Division de l’œuvre au plan spatial

Du point de vue spatial, nous avons deux mondes : celui des pilotes (aérien) et celui du personnel aéroportuaire (au sol). Même si les chapitres ne correspondent pas entièrement à cette division spatio-temporelle, on peut faire les regroupements suivants :

1 -  Le monde aérien

Ch. 1 ; 2 : Les vols de nuit sur le réseau ; Fabien en vol ; vol tranquille et sans problème.

 Ch. 4 : Le récit du pilote Pellerin à propos du cyclone auquel il fut confronté lors de la traversée des Andes.

Ch. 7 : Fabien en vol, les prémisses de l’orage.

Ch. 12 : L’entrée de Fabien dans la tempête (en vol).

Ch. 15 : Fabien en lutte contre la tempête(en vol).

Ch. 16 : en vol et toujours en lutte, Fabien trouve un peu de lumière, sort de la tempête, mais est perdu.

Le monde aérien est donc celui des dangers, des confrontations du pilote avec les forces de la nature, forces qui demandent du pilote une maîtrise de soi et un surpassement de ses faiblesses humaines pour pouvoir véritablement les vaincre. Selon Marcel Migeo,  « voler, pour Saint-Exupéry, ce n’est pas seulement piloter (…), c’est aussi poursuivre sur l’homme, sur la condition humaine, sa quête inlassable. ».  Voler, c’est enfin, dégager une vérité tout simplement humaine, celle :

-          du contact avec les forces naturelles

-          de la souffrance

-          du besoin et de l’amour de vivre.

Dans Terre des Hommes, Saint-Exupéry dira :  « L’avion, ce n’est pas une fin, c’est un moyen. Ce n’est pas pour l’avion que l’on risque sa vie. (…) On fait un travail d’homme et l’on connaît des soucis d’homme. On est en contact avec le vent, avec les étoiles, avec la nuit, avec le sable, avec la mer. On ruse avec les forces naturelles. (…) On attend l’escale comme une terre promise, et l’on cherche sa vérité dans les étoiles. »  

Les vols de nuit sont donc une aventure humaine visant à replacer l’Homme à son altitude humain car comme dit André Gide : « En dépit de bien des faiblesses, l’homme peut obtenir de soi le héros. » Le monde aérien permet de découvrir un  métier dangereux car les pilotes sont en perpétuelle lutte contre la nuit, les cyclones, la peur, etc. pour échapper à la mort.  Mais c’est un métier exaltant en ce sens qu’il requiert des qualités nobles telles que l’abnégation, le courage, le sang froid dans le danger (l’héroïsme), le sacrifice de son bonheur au profit de l’intérêt général pour participer à l’édifice d’une entreprise qui fera la gloire d’une humanité future et surtout l’avènement des temps modernes de l’aviation.

 

2 – Le monde terrestre (l’activité du personnel)

Ch. 3 ; 5 ; 6 : activité au sol, arrivée normale des courriers.

Ch. 8 : activité au  sol, à l’écoute des messages.

Ch. 9 : personnage de Rivière qui sanctionne Roblet.

Ch. 10 : au sol, discussion entre un pilote (anonyme) et sa femme.

Ch. 11 : Rivière s’entretient avec un pilote sur l’état des moteurs de l’avion.

Ch. 13 : la tempête s’annonce sur toutes les radios, absence de nouvelles.

Ch. 14 : l’inquiétude et l’angoisse de la femme de Fabien (Simone Fabien).

Ch. 17 : message de Fabien reçu, mais aucune solution possible.

Ch. 18 : méditation de Rivière sur la valeur du trésor que tient Fabien et sur l’importance de la mission.

Ch. 19 : impuissance de Rivière face à la détresse de Simone Fabien.

Ch. 20 : Communication toujours impossible, dernières minutes, attente de la mauvaise nouvelle.

Ch. 21 : atmosphère de deuil, annulation puis reprise des vols de nuit.

Ch. 22 : marche normale des autres vols, arrivée du courrier d’Asunción.

Ch. 23 : la relance définitive des vols, (lourde victoire).

Le monde terrestre est celui de la prise de décisions, et des dures confrontations de Rivière avec ce qui fait la force, la faiblesse et la beauté des relations humaines : les sentiments, l’amour. C’est là un combat du monstre, le surhumain Rivière contre l’homme simple qui a besoin d’amour et de protection. La philosophie de Rivière est claire et s’impose à ce monde terrestre malgré la force des sentiments. Il n’attend pas toujours d’avoir des solutions pour enclencher une action. « C’est l’expérience qui dégagera des lois, la connaissance des lois ne précède jamais l’expérience », « Une fois la route tracée, on ne peut pas ne pas la suivre. »

C’est une manière de rappeler la formule habituelle « qui ne risque rien n’a rien » ; et tant qu’on n’osera pas affronter les difficultés et aller à l’aventure, on n’aura pas de solutions aux problèmes : « Dans la vie, il n’y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : Il faut les créer et les solutions suivront. »

Pourtant, malgré sa rigueur, il aime ses hommes et même c’est parce qu’il les aime qu’il est rigoureux avec eux : « Tous ces hommes, je les aime, mais ce n’est pas eux que je combats. C’est ce qui passe par eux ». C’est un amour caché et manifesté selon les exigences du métier, ce qui lui fait dire sous la forme d’une maxime : « aimez ceux que vous commandez sans le leur dire ». Et l’association de l’amour à la rigueur (avec sagesse) finit par procurer au personnel le bonheur dans le travail : « Ces hommes là sont heureux parce que je suis dur ». Pourtant il sait la recette et la clé de ce qu’il faut pour se faire aimer : « Pour se faire aimer, il suffit de plaindre… »

Mais, c’est parce qu’il est obsédé par le sens du devoir qu’il ne cherche pas à se faire aimer soi-même, mais plutôt à faire aimer le travail, le devoir, seule source de son bonheur. Un tel, comportement n’est pas facile à adopter et cela relève d’une réussite comme il est dit dans l’œuvre qu’il avait réussi a repoussé tout ce qui fait le bonheur des hommes; bien qu’il aimât s’entourer de l’amitié et de la douceur humaines. « J’aimerais bien pourtant m’entourer de l’amitié et de la douceur humines. » Sa volonté de perfection et son ambition idéaliste font qu’il est exigeant et qu’il ne tolère pas la faute ni l’erreur. Car pour lui, ne pas enlever le mal où qu’il soit est un crime. De la même manière, il combat la peur : « Si je ne secoue pas mes hommes, la nuit toujours les inquiétera ».

Le monde terrestre est donc celui qui permet de mesurer la grandeur du métier de pilote et par delà celle de tout métier. Saint-Exupéry enseigne : « La grandeur d’un métier est, peut-être, avant tout, d’unir les hommes. »

Cette union des hommes se fait dans Vol de nuit à travers :

1- l’œuvre communautaire : « On découvre qu’on appartient à la même communauté. »

2-l’entreprise exaltante de la solidarité humaine : « Les obligations du métier nous fondent ensemble (…) les épreuves vécues ensemble (…). »

3- l’ampleur de l’échange et du partage : Les personnages acquièrent le droit de communier, de recevoir et de donner : « Six ou sept hommes partageaient d’invisibles richesses. »

4- l’amour des camarades : il s’agit d’un amour véritable qui du reste se transforme en un réseau de liens.

Le métier permet ainsi de créer des liens dans la vraie richesse des relations humaines, avec la chaleur des rencontres et la densité des présences, le poids humain des gestes de don et d’accueil :

« Je me nourris de la qualité de mes camarades, (…) je m’enivre de la densité de leur présence. (…) Rien n’abîmera cette fraternité. » dira le narrateur dans Pilote de guerre.

II-  Le déroulement des actions dans le temps

Pour gagner de vitesse le chemin de fer, la route et le bateau, Rivière a, audacieusement, lancé ses pilotes dans la nuit, préparant ainsi le départ de l’Avion d’Europe vers minuit, même sans le courrier de Patagonie, c’est-à-dire même si Fabien est vaincu par le cyclone.

Le travail sur le temps permettra de voir comment il catalyse le drame en contribuant à l’inquiétude et à l’angoisse car plus le pilote perd du temps plus ses réserves en carburant s’épuisent et en bas ceux qui attendent commencent à perdre espoir. C’est le cas avec Fabien.

Enfin, il faut souligner que tout se passe, semble-t-il, en une nuit. Et tout l’enjeu de la réussite des vols de nuit repose sur cette nuit, quand la tempête vient saper l’édifice construit par Rivière.

Pour faire plus simple, il s’agira de reconstituer le schéma narratif des événements de l’œuvre. En effet, malgré la structure de l’œuvre organisée sous forme de tiroirs, on peut y retrouver les 5 éléments constitutifs du schéma narratif.

1- situation initiale stable (équilibre) : vols réguliers des avions vers Buenos Aires (Fabien de Patagonie, Pellerin du Chili, un autre du Paraguay.)

2- un élément perturbateur qui introduit un déséquilibre : la tempête.

3- le déséquilibre : l’avion dans la tempête (suivie de la dynamique d’action qui constitue d’ailleurs toute la trame du roman).

4- un ou plusieurs éléments qui rétablissent l’équilibre : le beau temps retrouvé par Pellerin.

5- un nouvel équilibre : (situation stable) mort de Fabien, atterrissage normal de Pellerin, continuation des activités.

En définitive l’étude du déroulement des vols suivant les situations climatiques va aussi permettre de tracer la grille suivante :

 

1

Situation stable :

Les avions en vol vers Buenos Aires

 

De Patagonie

Fabien

 

Du Chili

Pellerin

 

Du Paraguay

….

2

Déséquilibre :

La Tempête

 

 

 

3

Situation de déséquilibre

L’avion dans le cyclone

L’avion pris dans la tempête ;

Traversée des Andes.

 

4

Eléments qui rétablissent l’équilibre

…………...

Le  beau temps retrouvé.

 

5

Nouvel équilibre

Mort de Fabien sans encombre

Atterrissage

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

Notre conclusion tentera de répondre à la question suivante :

A quelles difficultés, à quels dangers l’espace et le temps, exposent-ils le pilote dans Vol de nuit ?

Seul, dans le ciel, le pilote de ligne (Pellerin, Fabien, le pilote de l’Avion d’Europe, etc.) dispute son courrier à trois divinités élémentaires, trois forces de la nature qui lui présentent le visage de la mort. Il s’agit de :

  1. 1.       la Montagne
  2. 2.       la Mer
  3. 3.       l’Orage.

Replacées dans l’ordre du métier, ces forces de la nature prennent, pour l’homme, un sens et une signification et obligent le pilote à composer avec elles dans l’engagement de l’action. La montagne, la mer et l’orage ne sont plus les composantes d’un décor indifférent, mais des êtres qui vivent de la vie même de l’homme. C’est d’ailleurs ce que souligne Saint-Exupéry en disant : « Cette masse nuageuse, qui barre l’horizon, cesse d’être pour lui (le pilote) un décor. » ; « Voici un pic, lointain encore : quel visage montrera-t-il ? »

Ce monde qui se présente devant le pilote a non seulement un langage mais aussi un visage. Mieux, si le pilote n’y prend pas garde, il peut rapidement se transformer en une force d’anéantissement car, « (…) le pic se changera en explosif, il remplira de sa menace la nuit entière. »

Ce langage de l’univers donne donc un sens nouveau aux vieux spectacles. La nature qui d’habitude était considérée comme inoffensive devient pour l’Homme une menace. Dès lors, le métier permet la dure confrontation de l’homme et du monde. En effet, par le métier (de pilote de ligne), l’Homme se sent et s’éprouve relié au monde par de multiples liens représentant les grands problèmes naturels. Il s’agit entre autres :

1-       des obstacles à franchir

2-       des difficultés à résoudre

3-       des mystères à percer                          bref, tout ce qui pose des problèmes.

4-       des résistances à vaincre

5-       des menaces à deviner

A en croire René-Marill Albérès, « Le pilote reprend à son compte la vieille lutte de l’homme et des éléments (…). »

Et, paradoxalement, l’avion qui devait aider l’homme à surmonter ces problèmes le soumet avec plus de rigueur à ces grands dangers naturels que sont la montagne, la mer et l’orage.

Le métier ouvre donc l’homme à ce qui le dépasse et confère une valeur à chacun de ses gestes, parce que « Le pilote (…) n’assiste pas à un simple spectacle. Ces couleurs de la terre et du ciel, ces traces de vent sur la mer (…), il ne les admire point, mais les médite. » (Saint-Exupéry, Terre des Hommes.)

Les Indices de Lieux dans Vol de nuit :

Buenos Aires

 

 

 Bahia Blanca

 

San Antonio

 

Trelew

 

Commodoro

 

San Julian

 

Rio Gallegos

 

Punto Arenas

      Santiago

      Casablanca

 

 Toulouse

 

  Rio de Janeiro

 

Porto Alegro

 

Montévideo

Vers Saint-Louis

Brésil

Uruguay

ARGENTINE

Paraguay

ATTLANTIQUE

         Mendoza

PACIFIQUE

 CHILI

CORDILLERE DES ANDES

      6959m

         Pic Tupungato

67.000 m

 

Par cette carte schématique de l’Amérique du Sud, nous avons essayé non seulement de localiser les lieux mais surtout de montrer la convergence des vols vers la capitale Buenos Aires où se trouvent les Bureaux Centraux de la Base, véritable cœur du réseau.

Le cerveau de ce réseau de trafic aérien est Rivière, un homme dont la permanence et la vigilance assument entièrement l’entreprise des vols de nuit.

 

Avantages du Schéma : Permet de percevoir l’immense stature du personnage dont la silhouette s’élève sur Buenos Aires : Rivière.

 

Egalement, tel Rivière devant le Planisphère de son bureau, nous pouvons suivre dramatiquement la progression des avions vers Buenos Aires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



10/11/2010

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