La voie de l\'excellence / Français Second Cycle

La voie de l\'excellence / Français Second Cycle

Quelques thèmes de la poésie de la négritude

BEN MOUSTAPHA DIEDHIOU

PROFESSEUR DE Français des Lycées

benmoustaphadiedhiou@yahoo.fr

 

LES THEMES DE LA POESIE DE LA NEGRITUDE

L’EXPLORATION DU PASSE:

« Afrique mon Afrique

Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales

Afrique que chante ma grand-mère

Au bord de son fleuve lointain. »

David Diop, Coups de Pilon, « Afrique »

Alors que la pénétration européenne  en Afrique s’accompagne d’une entreprise systématique de rationalisation de la nature et d’exaltation des valeurs héritées du siècle des philosophes (le XVIIIe Siècle) c'est-à-dire l’ordre, la raison et le progrès, les poètes de la Négritude, dans leur refus de ces références, se replient sur les valeurs du passé traditionnel pour chanter l’Afrique des grands empires de jadis.

Cette poésie, nait de l’impossibilité fondamentale pour l’africain de vivre dans un monde qui le rend étranger à sa propre culture exalte un passé qui du même coup prend une dimension mythologique. 

LA RECHERCHE DE L’HARMONIE AVEC LE MONDE

« Les morts ne sont pas sous la terre,

ils sont dans le feu qui s’éteint,

ils sont dans les herbes qui pleurent,

ils sont dans le rocher qui geint,

ils sont dans la foret, ils sont dans la demeure :

les morts ne sont pas morts. »

Birago Diop, Leurres…….et lueurs, « Souffles »)

 

Dans l’univers négro-africain, il n’ya pas de rupture entre le monde des vivants et le monde des morts. Ainsi, plus qu’une nostalgie, ce retour vers le passé exprime une des dimensions essentielles de la poésie africaine c'est-à-dire l’adhésion de l’homme aux valeurs sensibles du cosmos. Le langage poétique a donc pour mission de dévoiler les affinités qui existent entre ces deux univers complémentaires que sont le monde des vivants et celui des morts. En effet, cela explique l’importance des liens de sang et le culte de l’honneur rendu aux ancêtres vénérables. Pour l’africain, la mort n’est pas la fin de la vie. C’est la raison pour laquelle, la nature toute entière et les choses sont partie intégrante du sacré et commandent une attitude de sympathie profonde à leur égard car, au lieu de chercher à dominer le monde, l’homme africain s’y intègre et va y puiser sa sérénité :

« Elia pour ceux qui n’ont jamais rien inventé

Elia pour ceux qui n’ont jamais rien exploré

Elia pour ceux qui n’ont jamais rien dompté

Mais ils s’abandonnent, saisis, à l’essence de toute chose

Ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose

insoucieux de dompter, mais jouant le jeu du monde

Véritablement les fils ainés du monde. »

(Aimé Césaire, Cahier  d’un retour au pays natal)

LA REVOLTE

Lorsque les valeurs du passé ne suffisent plus à compenser les souffrances du présent, la poésie devient un cri et une arme de combat. Senghor s’écrie : « …Je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France » (Hosties noires, « Poèmes laminaires »)

En effet, le refus de l’assimilation conduit à la revendication passionnée de  la négritude. Senghor va alors puiser son inspiration et sa force poétique dans l’évocation heureuse de son enfance à Joal. Il affirme ainsi la double postulation de la Négritude c'est-à-dire l’enracinement dans les valeurs du passé et la contribution au monde de l’universel.

Plus amer et plus véhément, Césaire dénonce l’avachissement des Antilles et décide d’être la voix de son peuple opprimé :

« Ma bouche sera la bouche des malheurs

qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté

de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir »

 

 

 

 

 

 

 

 

TROIS POETES DE LA NEGRITUDE :

SENGHOR,  CESAIRE,  DAMAS

Léon Gontran Damas (Guyane 1912 1978)

Originaire de Cayenne, Damas appartient à une famille bourgeoise plus éprise d’assimilation que d’authenticité dont l’influence l’a beaucoup marqué. Une enfance et une adolescence trop protégée,  en raison d’une santé fragile et d’une sensibilité exacerbée, Damas est envoyé en France pour y faire son droit. Le premier contact avec Paris est rude mais il a le mérite de lui faire prendre conscience de sa négritude et l’oriente bientôt vers des études d’ethnologie dans lesquelles il voit le moyen de retourner aux sources du passé africain.

« J’ai l’impression d’être ridicule

Dans leurs salons, dans leurs manières

Dans leurs courbettes dans leurs formules… »

(Pigments, « Solde »)

Parallèlement à ce sentiment de nausée se développe les accents douloureux d’une nostalgie alimentée aux sources d’une Afrique mythique.

Né en 1912, Damas s’est éteint à l’âge de 66 ans à l’hôpital de l’Université de Washington, le 22 janvier 1978

AIME CESAIRE (MARTINIQUE, 1913 2008)

Né en Juin 1913 à la Martinique, Césaire incarne une personnalité complexe mais cohérente caractérisée par une sensibilité d’écorché vif, une exigence ardente de justice et de fraternité et pardessus tout une très grande pudeur.

Après une bonne scolarité au lycée de sa ville natale, Césaire, issu d’une famille modeste de Fort de France, obtient une bourse et va poursuivre ses  études à Paris au Lycée Louis Le Grand ou il se lie d’amitié avec Senghor. Cette rencontre lui permet de prendre conscience de sa condition d’Antillais et le conduit à militer, aux cotés de Senghor et Damas, au sein du groupe de l’Etudiant noir qui sera la première expression du mouvement de la Négritude. Par sa poésie, il manifeste le don le plus total de sa personne à la cause de l’homme noir et de l’Afrique :

« Ma Négritude n’est pas une taie d’eau morte

Sur l’œil mort de la terre

Ma Négritude n’est ni une tour ni une cathédrale

Elle plonge dans la chair rouge du sol

Elle plonge dans la chair ardente du ciel

Elle trouve l’accablement opaque de sa droite patience. »

LEOPOLD SEDAR SENGHOR

Né le 6 Juin à Joal, Senghor appartient à une famille aisée de commerçants et de propriétaires terriens. Entre un père qui entretient d’étroites relations de cousinage avec le fastueux prince Koumba Ndofène et un oncle maternel familier des bêtes et des choses de la nature, Senghor connait une enfance paradisiaque :

« Je ne sais en quel temps c’était, je confonds toujours

L’enfance et l’Eden

Comme je mêle la Mort et la Vie un pont de douceur les relie »

(Ethiopiques, « D’autres chants »)

Ces premières années de liberté qui vont lui permettre d’établir des liens d’étroite connivence avec le terroir africain (dans lequel, à la différence de Césaire, il s’enracine profondément) se partagent entre les vagabondages dans la brousse toute et les veillées villageoises au cours desquelles le futur auteur de chants d’ombre se montre déjà très attentif aux dires des anciens et des sages. Dans son enfance, Senghor n’a jamais eu à souffrir de l’oppression coloniale qui marque si douloureusement l’œuvre de plupart de ses contemporains.

En tant que poète, Senghor a la conviction et le sentiment  d’être investi d’une mission non seulement à l’égard de son peuple dont il est le  « dyali » (griot) mais aussi à l’égard de l’occident.



11/11/2010

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