La voie de l\'excellence / Français Second Cycle

La voie de l\'excellence / Français Second Cycle

Panorama des mouvements Littéraires

PANORAMA   DES   MOUVEMENTS   LITTERAIRES

Réalisé par Ben Moustapha Diédhiou

benmoustaphadiedhiou@yahoo.fr

La succession des mouvements

 

Les grands mouvements littéraires et culturels se succèdent dans le temps, selon des périodes que l’on peut dater : l’Humanisme au milieu du XVIe siècle (1530-1570) ; le baroque vers 1570-1650 ; le classicisme de 1650 à 1700 ; les Lumières de 1720 à 1770 le romantisme de 1820 à1850 (pour la France) ; le Réalisme et le Naturalisme de 1830 à 1890 ; le Surréalisme vers 1920-1940, à la suite du mouvement Dada né en 1916. 

 

L’opposition des mouvements

 

L’histoire des mouvements littéraires est faite de conflits, de querelles parfois vives : chaque nouvelle esthétique, pour se faire reconnaître, doit souligner sa différence.

 

- Le Classicisme s’affirme comme école du bon goût et du naturel, opposés aux excès et aux artifices du Baroque.

- Le Romantisme oppose la liberté et l’imagination aux principes classiques de la règle  et de l’imitation, qui ont encore leurs partisans au début du XIXe siècle.

- Le Réalisme, dans le roman, entend montrer la société réelle, sans les embellissements idéalistes du romantisme ; mais les romanciers considérés comme fondateurs du réalisme, Stendhal et Balzac, sont aussi représentatifs de la génération romantique de 1830.

- Le courant de l’Art pour l’Art, qui voit le jour avec les poètes parnassiens vers 1850, rejette par son formalisme l’idée romantique d’une fonction sociale de la littérature, mais aussi une certaine vulgarisation de la pratique littéraire chez les réalistes.

 

 

La Poésie Romantique : l’expression du « moi »

 

Dans La Nuit de mai (1835), composée après sa rupture avec George Sand, Musset exprime sa souffrance et son désir de la surmonter dans la création poétique.

 

« Je ne chante ni l’espérance, / Ni la gloire, ni le bonheur, /

Hélas ! pas même la souffrance. / La bouche garde le silence /

Pour écouter parler le cœur. » (Alfred de Musset, La Nuit de mai, « Le Poète », 1835.)

 

« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, / Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. »

(Alfred de Musset, La Nuit de mai, « La Muse », 1835.)

 

Ces vers sont souvent cités pour définir l’esthétique romantique. Le Romantisme se caractérise par le lyrisme : la poésie lyrique « chante », c’est-à-dire exprime de façon passionnée les sentiments intimes de l’individu. Le poète offre le spectacle de ses émotions. Ce mouvement affirme ainsi son opposition au rationalisme des Lumières du XVIIIe siècle.

 

Sujet : Pensez-vous que l’écriture constitue un bon moyen pour surmonter ses difficultés à vivre, ses souffrances… ? Vous appuierez votre réflexion d’exemples littéraires précis, tirés de vos notes de lecture.

 

La Poésie et la musique : le Symbolisme

 

La poésie est avant tout musique : elle possède le pouvoir de suggérer, en recourant à des effets de rythme, d’harmonie, de jeux de sonorités. Les répétitions de mots, les reprises en écho, le jeu des rimes traduisent les sentiments des poètes symbolistes.

Cette poésie prétend aller au-delà des apparences et, grâce aux correspondances, à la compréhension des symboles, découvrir l’essence des choses.

 

Repères : Dans ses poèmes, Alfred de Musset (1810-1857) exprime son déchirement entre la tentation de vivre comme un libertin et l’aspiration à un idéal de pureté. Musset est un poète romantique, et l’on retrouve dans Confessions d’un enfant du siècle (1836) et Les Nuits les principaux thèmes de ce courant littéraire : l’expression de la souffrance, le désespoir lié à l’amour ou à la fuite du temps, le refuge auprès de la nature …

 

La Poésie pour la poésie : le Parnasse

 

La poésie pour la poésie : l’Ecole parnassienne est hostile au lyrisme romantique. Les poètes de ce mouvement refusent « de livrer en pâture » leurs émotions, leurs sentiments. Ils recommandent une poésie objective, qui s’apparente à la science pour sa construction rigoureuse et son idéal. S’adressant souvent à une élite cultivée, ils trouvent leur inspiration dans la culture antique, cultivent la pure beauté formelle et se détournent des préoccupations sociales.

 

Repères : Imprégné de l’idéal grec et de la sagesse hindoue, Leconte de Lisle (1818 – 1894) devint très vite, grâce à ses Poèmes antiques et Poèmes barbares, le chef de file de la poésie parnassienne. Hostile au lyrisme du romantisme, il poursuit dans son œuvre un idéal : associer l’art et la science.

 

La Poésie engagée

 

L’art poétique peut devenir un outil de combat : le poète expose et défend son opinion. Images, disposition des vers sont mis au service d’une conviction que le poète veut faire partager.   La poésie est alors militante, engagée.

 

 

EN   SAVOIR   PLUS  SUR  LE  ROMANTISME

 

 

Le Romantisme est un mouvement culturel et artistique qui apparaît en Europe dès la fin du XVIIIe siècle et se développe au XIXe siècle, particulièrement de 1800 à 1850.

 

En effet, la Révolution de 1789 sonne le glas des rigueurs du Classicisme et de l’idéologie du siècle des lumières. La conséquence directe est, pour les écrivains, l’affirmation de la prépondérance de l’individu, de son originalité.

 

Ainsi, les premiers romantiques entre 1800 et 1820, Chateaubriand (1797-1848), Madame de Staël (1766-1817) et Benjamin Constant (1767-1830) sont des romanciers du moi qui produisent des romans (René et Atala, Chateaubriand), des autobiographies (Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand) et des romans autobiographiques (Adolphe, Benjamin Constant).

 

Le moi que l’on étudie est en proie à une crise de la raison, de la volonté, exacerbée par une hypersensibilité. Le moi se recherche, se déchire, veut exister dans la passion, dans le mysticisme, l’idéal, la religiosité … L’exemple le plus significatif en est les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand :

 

« Je me suis rencontré entre les deux siècles comme au confluent de deux fleuves : j’ai plongé dans leurs eaux troublées, m’éloignant à regret du vieux rivage où j’étais né et nageant avec espérance vers la rive inconnue où vont aborder les générations nouvelles. »

 

L’analyse de ce moi mystérieux entraîne un sentiment de frustration, d’insatisfaction : Chateaubriand l’appelle « le vague des passions » mais aussi le mal du siècle. Le sentiment de la singularité bannit le romantique de la société dont il rejette les valeurs. Les écrivains projettent leur propre malaise dans leurs héros qui sont révoltés, individualistes et souvent suicidaires.

 

Entre 1820 et 1850, la poésie romantique connaît une explosion. Pour dire le monde, raconter l’histoire et dire tous ses états d’âme, le poète se libère, à la fois dans la sincérité mais aussi dans le langage. Le lyrisme est roi, les poètes sont adulés et célèbres. Le principal objet et sujet de la poésie est le moi qui décrit ses drames, ses passions, l’intimité de son cœur. La poésie s’ouvre aux rêves, aux fantasmes. Le poète projette ses états d’âme dans une nature qui est sa confidente et sa complice. Mais l’expression personnelle renvoie aussi à l’universel où le Je du poète est aussi celui du lecteur. Les principaux poètes sont Lamartine, Musset, Vigny et Hugo.

 

Lamartine (1789-1869) a mené de front une carrière politique et une carrière poétique. Son œuvre la plus connue, les Méditations (1820), a reçu un accueil enthousiaste. Lamartine est le poète de la nostalgie, nostalgie de l’amour, du temps ; le paysage lamartinien semble se concentrer autour d’un lac, d’une forêt, d’une grotte et d’un vallon.

 

Musset (1810-1857), l’enfant terrible du mouvement, n’a jamais pu surmonter sa crise existentielle. Dans ses Poésies (1830-1840), il exprime son désenchantement. Les Nuits (1835-1847), chronique sentimentale, montrent aussi sa complaisance dans le malheur.

 

Vigny (1797-1863) se sentait mal aimé et incompris ; son amertume et son pessimisme apparaissent dans Les Destinées (1864 posthume), recueil qui est à la fois un itinéraire poétique et philosophique.

 

Hugo (1802-1885), chef de file du romantisme, a une parfaite conscience de sa mission poétique : « Tout est sujet, tout relève de l’art, tout a droit de cité en poésie. » Son œuvre poétique dépasse le cadre du romantisme par sa variété et l’étalement de sa production. Ses premières œuvres Odes et ballades (1822-1828) sont lamartiniennes ; il nous plonge dans l’exotisme avec les Orientales ; s’adonne au lyrisme dans Les Rayons et les Ombres (1840), est satirique avec Les Châtiments en 1852, épique avec La Légende des siècles (1859). Son œuvre majeure est sans doute Les Contemplations (1856) qui redonne un sens à sa vie après la perte de sa fille Léopoldine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EN   SAVOIR   PLUS  SUR  LE  REALISME

 

 

Le Réalisme est une tendance littéraire qui est présente à toutes les époques de la littérature française, sous toutes ses formes, dès que l’écrivain choisit de représenter le réel.

 

« Un roman est un miroir que l’on promène le long d’un chemin. » (Stendhal)

 

Cette tendance va devenir un courant littéraire au cours du XIXe siècle, particulièrement dans le genre du roman. Le réalisme est tout d’abord une réaction contre le romantisme qui fuyait le réel à travers les thèmes du voyage, de l’exotisme, de l’imagination et du fantastique.

 

Il apparaît dès 1830-1840 chez des écrivains que l’on pourrait qualifier de romantiques, Balzac (1799-1850) et Stendhal (1783-1842). Le tissu social, la politique et l’histoire sont le matériau de ces auteurs qui dressent déjà un tableau réaliste de leur époque, même si leurs héros sont fortement marqués par le romantisme, que ce soit Rastignac ou Julien Sorel.

 

Flaubert (1821-1881) affirmera plus nettement son réalisme face aux romantiques déçus par la révolution de 1848 et la prise de pouvoir de Napoléon III. On peut se fier à la définition à la définition que donne Maupassant de l’écrivain réaliste dans Pierre et Jean en 1884 :

 

« Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus palpitante que la réalité même. »

 

Flaubert choisit d’abord des sujets vécus comme dans l’éducation sentimentale ou des faits divers comme dans Madame Bovary. Il refuse, comme les romantiques de camper des héros aux destins exceptionnels et choisit des héros médiocres : madame Bovary est une petite provinciale intoxiquée par ses lectures et ses rêveries romantiques, Frédéric Moreau est un velléitaire qui rate sa vie dans L’Education sentimentale.

 

La narration devient différente : le personnage est vu sous plusieurs angles et points de vue ; Flaubert ne répugne pas à décrire des détails horribles, l’empoisonnement à l’arsenic d’Emma Bovary, par exemple.

 

Flaubert est une référence pour les naturalistes ; il a particulièrement influencé Maupassant dont il est le père spirituel en littérature.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EN    SAVOIR   PLUS   SUR    LE   NATURALISME

 

Le Naturalisme est le prolongement du réalisme et se développe en France de 1865 à 1890. Zola en est le chef de file et le théoricien dans Le Roman expérimental et Les Romanciers naturalistes :

 

« Notre héros n’est plus le pur esprit de l’homme abstrait du XVIIIe siècle. Il est le sujet physiologique de notre science actuelle, un être qui est composé d’organes et qui trempe dans un milieu dont il est pénétré à toute heure. »

 

Dans la préface de La Fortune des Rougon, il déclare :

 

« Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d’êtres se comporte dans une société, en s’épanouissant pour donner naissance à dix, vingt individus qui paraissent au premier coup d’œil, profondément dissemblables mais que l’analyse montre intimement liés les uns aux autres. L’hérédité a ses lois, comme la pesanteur. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race. »

 

Le naturalisme s’exprime principalement dans les romans. Autour de Zola se réunissent des romanciers qui partagent ses idées, entre autres Maupassant (1850-1893) et Huysmans (1848-1907).

 

Les naturalistes envisagent la littérature comme une véritable science où le romancier devient expérimentateur. Celui-ci s’intéresse aux faits divers, aux histoires vécues, se plonge dans l’étude des milieux sociaux. Le roman peint une série d’événements et d’états psychologiques banals, utilise facilement le style indirect libre pour rendre compte du rythme de la pensée du personnage, a recours à un vocabulaire précis pour l’étude des milieux et des lieux. D’ailleurs le héros du roman naturaliste est toujours un médiocre, un homme ou une femme ordinaire.

 

Zola (1840-1902) conçoit, dès 1868-1869, d’écrire un cycle de romans, Les Rougon-Macquart, qui retrace l’histoire d’une famille sur plusieurs générations, sous le Second Empire. A travers les membres de cette famille, Zola veut vérifier les nouvelles théories scientifiques sur l’hérédité. Cette saga lui permet d’explorer tous les milieux sociaux du Second Empire, suivant les pérégrinations des Rougon-Macquart : la bourgeoisie dans La Curée, le peuple dans Germinal, les paysans dans La Terre, les commerçants dans Le Ventre de Paris, etc.

 

A travers le roman perce la critique du régime autoritaire en place. Zola ne cache pas ses opinions politiques, ses sympathies pour le socialisme en exposant les revendications sociales et les scandales politico-financiers. Dans son écriture, Zola prétend faire œuvre scientifique mais il laisse aussi aller son imagination, pour évoquer, par exemple, les forces qui transforment la société, le modernisme.

 

Maupassant (1850-1893) reprend dans son œuvre romanesque des thèmes naturalistes. Il peint l’amour et ses désillusions, comme dans Une vie (1883). La mort, la vieillesse et la souffrance sont omniprésentes, dans Fort comme la mort, par exemple. L’égoïsme est décrit sous toutes ses facettes : madame de Burne dans Notre Cœur est une mondaine superficielle incapable d’aimer ; Bel-Ami, dans Bel-Ami ne respecte personne lorsqu’il s’agit de son intérêt. Maupassant ne s’intéresse pas seulement à la psychologie de ses personnages, il montre la réalité humaine dans sa crudité (viols, accouchements, morts). Il critique également différents milieux sociaux : milieux journalistiques politiques, mondains, bourgeois, paysans…

 

Dans son écriture, Maupassant multiplie les points de vue, laisse la parole à ses personnages : le récit apparaît ainsi plus objectif et plus vrai ; il se refuse aussi à dresser des portraits psychologiques : le lecteur doit construire le personnage au fil de la lecture.

 

Le naturalisme a élargi les thèmes abordés en littérature : le corps et la sexualité ne sont plus désormais des sujets tabous ; cependant il montre ses limites. Les naturalistes ne peuvent prétendre être scientifiques : la littérature reste subjective, même si les écrivains veulent être objectifs. Zola oriente le destin de ses héros, a tendance à donner trop d’importance aux instincts ; Maupassant projette beaucoup de lui-même dans ses personnages solitaires, qui échouent dans leurs amours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EN    SAVOIR   PLUS   SUR    LE   SURR2ALISME

 

Le Surréalisme naît après la Première Guerre mondiale, à l’initiative de trois amis, André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault rassemblés autour d’une revue qu’ils viennent de fonder : Littérature (1919). Leurs intentions puisent à deux sources : la première est l’Art nouveau, du poète Guillaume Apollinaire qui, le premier, a employé le mot surréalisme dans la préface d’une pièce de théâtre, Les Mamelles de Tirésias (1917). Il désigne par là une nouvelle manière de représenter le réel non pas en l’imitant comme le ferait un photographe, mais en figurant son principe créateur. La seconde est le mouvement dada connu en France grâce à Tristan Tzara à partir de 1918 et qui fait fureur pendant trois ou quatre ans. Les « dada », écœurés par les atrocités de la Première Guerre mondiale rejettent toute la culture occidentale et veulent tout renverser. C’est un mouvement de révolte totale qui ne recherche que la dérision, la provocation et le chaos. Les surréalistes partagent avec Tzara la critique de la société mais dépassent cette obsession de tout détruire en souhaitant, comme Apollinaire, accéder à une appréhension de la réalité par des moyens nouveaux. Autour des fondateurs se regroupent bientôt de nombreux nouveaux auteurs comme Paul Eluard, Robert Desnos, Benjamin Péret et beaucoup d’autres. Le surréalisme est un foyer de création et de réflexion qui pendant près de cinquante ans rayonne à travers ses œuvres et ses revues (la principale : La Révolution surréaliste) dans tous les arts, littérature comme peinture ou cinéma. Il se dissout en 1969 avec la dispersion de la dernière revue et la mort d’André Breton.

I – LA CRISE DE L’ESPRIT

 

Au lendemain de la Première Guerre mondiale l’écrivain Paul Valéry constate dans une phrase désormais célèbre :   

« Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».

 En effet, l’Occident ravagé et traumatisé traverse une phase critique de son histoire. Devant l’émergence d’un nouveau monde technique et social dont les orientations idéologiques sont à définir, les artistes et les intellectuels vivent l’entre-deux guerres avec un enthousiasme mêlé d’inquiétude. Les futurs surréalistes protestent surtout contre le bourrage de crâne qui a présidé à la Guerre.

En outre, durant le conflit, la civilisation  occidentale a paradoxalement retourné ses forces scientifiques, morales et spirituelles contre elle-même. Paul Valéry s’interroge :

« Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects ? »

Ainsi, le progrès technique n’est plus promesse de bonheur et les valeurs humanistes traditionnelles sont en crise. Aux Etats-Unis, on appelle les jeunes marqués à vie par le conflit la « génération perdue ».

Les intellectuels, ébranlés, hésitent entre plusieurs attitudes : le pessimisme (Radiguet, Le diable au corps, 1923) ; la dénonciation du vide des illusions d’après-guerre (Paul Morand, Ouvert la nuit, 1922) ; le refuge derrière le mythe (Cocteau, Orphée, 1926). Certains écrivains comme André Gide (1869 – 1951) vont, quant à eux, confesser à la fois leur penchant pour l’hédonisme, c’est-à-dire vivre pleinement leurs désirs sans contraintes, et leur inquiétude spirituelle. Gide écrit dans Les Faux-Monnayeurs (1925) :

« Rien n’a pour moi d’existence que poétique ».

L’art seul peut-il apporter des solutions ? Gide, Proust et Valéry semblent penser que l’art peut bel et bien aider au redressement social.  Les surréalistes contribuent largement à créer un climat d’effervescence autour de Paris qui vit au rythme euphorique et inventif des « années folles ». Mais,  très vite ils vont déchanter face à la montée des fascismes. Dans une conférence prononcée à Bruxelles le 1er juin 1934, André Breton sensibilise ses auditeurs à la montée des périls :

« Je ne puis m’abstenir d’ajouter qu’à l’heure où je parle, de vieux frissons mortels tentent de se substituer à ces frissons qui étaient les frissons mêmes de la connaissance et de la vie. Ils annoncent une maladie affreuse, générale, une maladie suivie irrémédiablement de déchéance. Eux aussi il ne s’agit que d’avoir le courage de les regarder en face. Cette maladie s’appelle le fascisme. »

C’est dans cette période de bouleversement que le Surréalisme est au sommet de sa vitalité, engageant son art dans la révolte contre les principes  de la raison.

 

II - Surréalisme et Révolution

 

Le surréalisme né d’une révolte contre les horreurs de la guerre est donc un mouvement dans le temps, dans l’histoire, réagissant à l’actualité et au devenir des hommes. C’est pourquoi il reste un mouvement prônant la révolution, un mouvement de contestation de l’idéologie bourgeoise qui continue à concevoir la vie sociale comme si cet ordre ancien n’avait pas conduit au désastre de la Première Guerre mondiale. Dès lors le surréalisme défend la liberté en tout, ce qui le rapproche du parti communiste mais cause aussi les plus grandes tensions entre les membres : en effet, même si des affinités de pensée unissent surréalistes et communistes, n’est-ce pas un renoncement à la liberté du groupe que de fondre son mouvement dans un parti politique ?

Cette question explique l’histoire mouvementée des rapports entre surréalistes et Parti Communiste Français (PCF), avec des périodes d’adhésion, des périodes d’éloignement, des exclusions et des retours en grâce de membres d’opinions divergentes. Du reste, hors de ces questions politiques, dans le domaine même de la création, les surréalistes ont tenu leur engagement révolutionnaire par des œuvres qui refusent les étiquettes du passé, les genres conventionnels, les types d’écriture traditionnels. La poésie est la forme majeure de cette expression libérée de toute contrainte et la grande force qui bouscule tout est l’amour. Les surréalistes sont les poètes de l’amour, non pas idéalisé ou spiritualisé, mais porté à son paroxysme de désordre par la force même du désir enfin salué comme une valeur positive. Le désir est ce qui peut tout métamorphoser.

Tout ce qui aimé contient une part de merveilleux. La femme devient alors la source d’inspiration première des poètes surréalistes parce que le désir qu’elle fait naître devient une puissance de libération.

 

 

 

III - Surréalisme et Connaissance

 

Connaître, c’est d’abord se connaître et se reconnaître différent de cette image d’homme exclusivement raisonnable léguée par des siècles de Classicisme. Influencé par Rimbaud et Lautréamont, les surréalistes veulent explorer leur vie  intérieure, redécouvrir les pouvoirs de l’imagination, réunifier l’homme en rassemblant ses sens et sa raison, et pour cela revaloriser les rêves, les hallucinations et les délires. Cette entreprise se nourrit des découvertes de la psychanalyse qui révèle l’inconscient en tant majeur des comportements humains : les œuvres surréalistes tendent à montrer le rôle joué par notre inconscient dans l’organisation de notre imaginaire. Du même coup, cet imaginaire se trouve réintégré dans le réel. La réalité est plus totale qu’on ne le pensait. Elle englobe les apparences visibles du monde et les productions que l’imagination y ajoute. En fait, dans le réel, il y a une part de merveilleux que seuls certains d’entre nous savent découvrir en se mettant dans un état de réceptivité, d’ouverture, de disponibilité grâce auquel notre imagination peut pénétrer  les apparences. Cette réalité plus complète, plus riche prend le nom de surréalité. Parvenir à la connaissance du surréel, c’est parvenir à réconcilier le réel et la réalité. Le surréalisme fait donc appel au regard, à l’observation, non pas pour fixer une fois pour toutes les choses, les êtres et les objets, mais pour découvrir en eux ce qui parle à l’imagination, ce qui suscite le rêve et instaure un climat de fantastique. Le fantastique surréaliste est une forme de merveilleux, d’éblouissement qui confond la vérité et l’illusion.

 

IV - Surréalisme et Langage

 

Cet accès au surréel suppose un rapport au langage nouveau. La grande innovation surréaliste concerne l’image, la métaphore qui devient une méthode d’exploration de l’imaginaire. Traditionnellement, l’image rapprochait deux éléments qui avaient au moins un point commun. Victor Hugo, par exemple, a pu dire en parlant de la Lune et en jouant sur sa forme et sa situation dans l’espace :

 

« Cette faucille d’or dans le champ des étoiles ».

 

Les surréalistes au contraire mettent en rapport des réalités éloignées. Moins le rapport est évident, plus fort sera l’impact poétique et l’effet de surprise, d’étonnement ou d’enchantement. L’image surréaliste est une aventure. Toutes les relations d’ailleurs des surréalistes au langage sont des aventures, des jeux, des essais, des tentatives. Il faut faire confiance au hasard. La première définition que donne André Breton du surréalisme se fonde sur cette liberté d’expression :

 

« Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale » (Manifeste du surréalisme, 1924).

 

C’est ce que l’on nomme aussi écriture automatique. Ce langage devenu matière à expérimentation donne lieu à des travaux collectifs. L’écriture surréaliste est souvent une écriture de groupe, à deux à plusieurs ; les improvisations s’enchaînent, l’invention crée l’émulation, les textes se font écho. La langue n’est pas sacrée ; la littérature n’est pas respectable en soi. Les surréalistes n’hésitent pas ainsi à pratiquer des collages, c’est-à-dire faire entrer dans leurs textes des fragments de journaux, des titres, des publicités, ou encore à recourir à l’intertextualité, autrement dit à reprendre des textes d’autres auteurs pour les parodier et les renouveler. Au total l’écriture surréaliste s’ouvre autant à l’humour, à la dérision (aspect ludique du rapport au langage) qu’au lyrisme et à l’exploration métaphorique (aspect méthodique du rapport au langage).

 

 

 

Conclusion

 

Véritable exploration du langage, le surréalisme prônait une poésie révolutionnaire qui devait se tenir à l’écart de toute règle et de tout contrôle de la raison. L’acte poétique était vécu comme une prise de position sociale, politique et philosophique et constituait l’une des trois branches de la trinité surréaliste c’est-à-dire « Liberté, Amour, Poésie ». La poésie exprimait une nouvelle morale de l’amour qui trouvait son équilibre entre la puissance du désir et l’amour électif dans Le Libertinage (1924) de Louis Aragon, La liberté ou l’amour (1927) de Robert Desnos, dans L’amour fou (1937) d’André Breton. Elle était également le reflet de la liberté dans Les pamphlets scandaleux tel Un Cadavre (1924) qui fut diffusé à la mort d’Anatole France dans l’acceptation et dans l’utilisation du hasard ainsi que dans la fascination pour la folie (Nadja (1928) d’André Breton). Le surréalisme se donnant deux grands slogans :

 

« Changer la vie »          et        « Changer le monde ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 



11/11/2010

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